Maurice LEULLIEUX

Dans le tumulte d'une vie

Adaptation de Jean Mourot

des 4 tomes de "Dans le tumulte de mes jours"

Au crépuscule de sa vie, Maurice se penche sur son passé et sa vie aventureuse. D’origine modeste, ce Lillois  était destiné à une vie rangée. Mais tenaillé par une intense soif de liberté et la volonté de s’exprimer artistiquement, il partira avec sa guitare vers le soleil.
Après une jeunesse chaotique, père d’une petite fille, il suit son frère en Afrique ...
  Il errera entre la Haute-Volta et la Côte d’Ivoire où il se fixera. Marié à une française avec laquelle il aura un fils, il fera du commerce, ouvrira des établissements divers, montera des spectacles... tout en occupant un emploi de cadre technique dans une société qui finira par le licencier.
Retraité, et enfin libre de peindre et  chanter, divorcé de son épouse perturbée, il plongera avec avidité dans la vie africaine... La rencontre avec une jeune béninoise l’aidera à changer de vie. Boudé par son fils, il aura la joie de retrouver aux États-Unis sa fille Tania.
   Remarié, il quittera l’Afrique pour se fixer en France, dans le Lot-et-Garonne pour y mener une vie de chanteur, sous le pseudonyme de Papa Momo. Ayant la joie de devenir à nouveau père, il consacrera son énergie à l’éducation de ce fils bien-aimé, tout en continuant sa vie d’artiste.  Va-t-il enfin connaître la paix ?

EXTRAIT

Jésus passa toute la semaine à se partager entre la piscine et les jeux que les enfants de son âge organisaient dans la pinède. Moi, je veillais à l’intendance. Je faisais les courses, la cuisine, le ménage, la vaisselle et je lavais le linge à la laverie toute proche. Nous avons toutefois mangé trois ou quatre fois au restaurant du camping. Je me contentais d'appeler Jésus aux heures des repas, soit à la piscine, soit dans la pinède sur les espaces de jeux. Le soir il y avait toujours une animation, des musiciens, des jongleurs et même, un soir, un hypnotiseur qui endormit une vingtaine de personnes sur le podium avant de les téléguider. Impressionnant ! Ce soir-là je regardais ce spectacle de loin, un peu en retrait des gens qui avaient pris place sur des sièges devant la scène. Une petite fille vint vers moi et me dit en se tordant les doigts sur sa petite robe :

 – Dis, Monsieur, c'est toi le Père Noël ?

 – Mais oui, lui répondis-je du tac au tac, c'est moi. Je suis venu voir si les enfants sont sages pour leur apporter des jouets le jour de ma fête, en décembre.

 Sa mère est alors arrivée pour la récupérer. Elle la prit par la main en me lançant un regard méfiant. Je lui dis en rigolant :

 – Votre fille m'a pris pour le Père Noël !

 Elle haussa les épaules et entraîna sa petite fille qui protestait en traînant les pieds :

 – Mais, maman, c'est le Père Noël ! C'est le Père Noël…

 C'était amusant. Cette dame m'avait sans doute vu comme un vieux pervers pédophile prêt à enlever sa fille.

 

Maurice LEULLIEUX

Dans le tumulte de mes jours

T1- Une quête de liberté

Au crépuscule de sa vie, Maurice se penche sur son passé. D’origine modeste, ce Lillois  était destiné à une vie rangée d’employé dans l’entreprise qui l’avait formé... Mais il était tenaillé par une intense soif de liberté et la volonté de s’exprimer artistiquement. Il se sentait plus artiste que technicien. Plus acteur, peintre ou musicien que dessinateur industriel.
Sa jeunesse chaotique va lui faire rencontrer toutes sortes de personnages dont certains connaîtront la célébrité mais le souci de ne pas faire de peine à sa mère l’a toujours retenu au bord de l’aventure. Jusqu’à ce que...
Jusqu’à ce qu’il décide de sauter le pas, de tout quitter et de partir  vers le soleil, sur les traces de Van Gogh, avec sa guitare pour tout bagage...
C’est cette jeunesse autour de 1960 qu’il évoque dans ce livre, sans rien farder d’une réalité plus ou moins reluisante.

EXTRAIT

Puis vint l’année que tout élève redoutait à Montesquieu, celle du passage obligatoire dans la classe du directeur, « Fyfy jaune d’œuf ». Il était de taille moyenne et gardait son équilibre en tenant sa bedaine en avant. Il avait le visage rond, les cheveux blancs courts et parsemés, des yeux bleus globuleux injectés de sang qui remplissaient totalement ses verres de lunettes en cul de bouteille. Un nez spongieux couleur lie de vin soutenait ce regard monstrueux, au dessus de deux joues violacées. La lèvre inférieure de sa bouche affaissée se retournait en rebord de pot de chambre sur lequel semblait éternellement collés des résidus de papier à cigarettes. Quand il parlait, il bavait et postillonnait abondamment.

 

Notre calvaire commençait toujours l’après-midi quand il arrivait bien humecté de vin et peut-être d’alcool fort. Il s’emparait de sa canne de billard qu’il appelait Azor et ne la lâchait plus jusqu’à la sonnerie annonçant la fin des cours. Même pendant la récréation, il nous surveillait assis sous le préau en compagnie des autres instituteurs en manipulant continuellement Azor entre ses pognes poilues. Pendant les dictées, il ânonnait lentement le texte en marchant entre les pupitres, tout en observant si nous commettions des fautes. Quand on l’entendait se rapprocher derrière nous, on courbait instinctivement l’échine, on redoublait d’attention pour éviter l’erreur mais notre main mal assurée finissait souvent par former les lettres qu’il ne fallait pas, c’est alors qu’Azor s’abattait sur notre épaule en même temps que « Fyfy jaune d’œuf » aboyait le mot que nous avions estropié tandis que le porte-plume roulait sur le cahier, y déposant deux ou trois belles taches violettes.

 

Nous vivions continuellement avec cette épée de Damoclès au dessus de la tête, Azor. Celui qui chahutait en classe était appelé  devant l’estrade. Il devait s’amender, joindre les bouts des doigts de ses deux mains pour y recevoir par trois fois le châtiment de la queue de billard. Lorsque les devoirs n’avaient pas été faits ou que les leçons n’avaient pas été apprises, c’était l’attente agenouillée, mains sur la tête au coin de l’estrade. Lorsqu’il y avait récidive, le pénitent devait se mettre dans la même position mais les genoux sur une règle en bois. Ces punitions duraient plus ou moins longtemps selon la gravité ou la répétitivité des délits. Je n’ai heureusement jamais eu à les subir.

 

T2- Une aventure africaine

   Après une jeunesse chaotique, il a suivi son frère en Afrique pour créer un élevage avicole...
   Commencera alors une vie aventureuse qui le fera errer entre la Haute-Volta et la Côte d’Ivoire où il se fixera. Marié à une française avec laquelle il aura un fils, il fera du commerce, ouvrira des établissements divers, montera des spectacles... tout en occupant un emploi de cadre technique dans une société qui finira par le licencier.
    Entre temps, il aura tenté de se fixer en Roussillon où il fera construire une maison, face au Canigou, qu’il aura rejointe en traversant le Sahara en 4x4 avec sa famille...
    C’est cette aventure africaine, coupée par un bref intermède parisien, qu’il raconte dans ce 2ème tome de son autobiographie.

EXTRAIT

Je marquai ainsi le territoire qui serait le mien pendant près de deux années vécues en solitaire, à suer sang et eau sans salaire, dans le dénuement le plus complet. Par contre, j'y vivrais des moments intenses de labeur manuel, avec une équipe de travailleurs voltaïques et maliens, au rythme immuable du soleil des tropiques : lever à six heures, coucher à dix-huit. Pendant ces journées, nous ne penserions qu'à faire avancer les travaux, creuser un puits à la barre à mine, confectionner les briques avec la terre latéritique du terrain mélangée à de l'herbe sèche, monter les murs des poulaillers, scier les charpentes de bois rouge, les assembler et poser ensuite les tôles d'aluminium. Je dormirais à la belle étoile sur un lit Picot, sous une moustiquaire tendue entre quatre piquets de bois. Quelle merveille de s'endormir en regardant les étoiles, ivre de fatigue musculaire. À l'aube, en slip, j'enfourcherais à cru FoulgèreÉclair en langue mossi. Un beau cheval bai que m'avait laissé mon frère, dur du mors et qu’il fallait laisser partir au galop sans retenue pour le fatiguer. Je traverserais ainsi tous les matins les petits villages environnants sous les applaudissements des enfants qui attendraient mon passage et les envols de perdreaux surpris de voir un tel équipage tôt le matin. Au retour, Foulgère et moi rentrerions dans l'eau, au milieu des nénuphars et de quelques varans, pour nous rincer et nous rafraîchir.

 

Table des matières

 

 

 

Résumé du tome 1 ..............p. 7

 

1ère partie :

 De l’Andalousie à la Haute-Volta.......... p. 13

 

2ème partie :

 Éleveur de poulets à Ouagadougou........p. 27

 

4ème partie :

 Un intermède parisien......p. 63

 

5ème partie :

 Retour à Ouagadougou.....p. 87

 

6ère partie :

 Retour à Abidjan.................p. 121

 

7ème partie :

 Retour au théâtre..............p. 149

 

8ème partie

Une vie d’«expat’»..............p. 189

 

9ème partie :

La grande traversée.........p. 247

 

10ème partie :

Retrouvailles.......................p. 277

 

11ème partie :

La dégringolade.................p. 313

 

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T3- D'une vie à une autre

    Retraité, Maurice se sent enfin libre de faire ce qu’il aime le mieux : peindre et  chanter. Séparé de son épouse perturbée, il plonge avec avidité dans la vie africaine...
   La rencontre avec une jeune béninoise l’aidera à changer de vie. Divorcé et boudé par son fils, il aura toutefois la joie de retrouver sa fille Tania aux États-Unis. Remarié avec sa «négresse» et inquiet de la situation chaotique de la Côte d’Ivoire après la disparition d’Houphouët-Boigny, il quittera l’Afrique pour se replier en France, dans le Lot-et-
Garonne où il se fixera définitivement pour y mener une vie de chanteur à textes, sous le pseudonyme de Papa Momo.
   C’est alors que des événements plus ou moins souhaités vont bouleverser sa vie...

EXTRAIT

 

Début avril, j'arrivais à l'aéroport de Toulouse-Blagnac où Gérard m'attendait. Une fois de plus, je débarquais pour une nouvelle vie avec ma petite valise et ma guitare. J'ai toujours voyagé avec une petite valise, je n'ai jamais eu grand chose à y mettre. Quelques chaussettes, quelques slips, quelques polos, deux jeans, un blouson et une trousse de toilette contenant du shampoing, du gel douche, une brosse à dents, du dentifrice, un nécessaire à ongles et un peigne. J'avais en plus ce jour-là, la boîte en cuir que j'avais fait fabriquer comme modèle en prévision de la commercialisation de bijoux astrologiques mais comme, tous comptes faits, j'avais renoncé à ce projet, j'y avais introduit un pendentif en argent filigrané pour l'offrir à Suzon, la mère de Gérard.

Après être passé chez elle pour lui dire bonjour et lui remettre son cadeau, Gérard m'emmena chez moi, à La Croix Blanche. Il fai- sait un temps superbe, le printemps s'annonçait chaud. Il y avait dans le salon, un matelas à même le sol et un chevalet. Sur la grande table reposaient, sur des papiers journaux, des pinceaux, des tubes de peinture et quelques sculptures en papier mâché. Gérard m'expliqua que c'était Cathy qui venait souvent là pour travailler et se reposer. J'ouvris les volets et les fenêtres pour aérer la maison et je préparai mon lit pendant que Gérard embarquait tout cela dans son break 404 . Ensuite je refermai la maison et nous sommes repartis dîner ensemble chez lui, à Agen. Je trouvais qu'il avait maigri quoi qu'il n'ait jamais été bien gras. Il avait quitté IBM où il avait travaillé quelques années et repris son travail de peintre décorateur, tou- jours au noir. Son break accumulait les kilomètres au compteur : il n'avait pas les moyens d'en acheter un autre, même d'occasion. Ca- thy confectionnait ses petites sculptures en papier mâché et pei- gnait quelques tableaux qu'elle avait du mal à vendre. Leur fille Joanne, finissait sa dernière année d'études à Bordeaux pour être infirmière.

Après le repas Gérard me dit :

– Tu vas dormir ici, dans la chambre de Joanne, en attendant de t'organiser. Tu n'as même pas de quoi déjeuner demain matin. En outre, tu n'es pas autonome puisque tu n'as pas encore de voiture.

 

 

TABLE DES MATIÈRES

Résumé
des tomes précédents.........
p. 7

1ÈRE PARTIE :

Une nouvelle vie................ p. 11

2ÈME PARTIE :
Une famille éclatée............
p. 37

3ÈME PARTIE :
La rupture............................
p. 77

4ÈME PARTIE :
Un Africain blanc...............
p. 95

5ÈME PARTIE :
Une renaissance..................
p. 127

6ÈRE PARTIE :
Une escapade à Zinder.....
p. 143

7ÈME PARTIE :
Retour en France..............
p. 161

8ÈME PARTIE :
Papa Momo..........................
p. 195

9ÈME PARTIE :
Une nouvelle paternité.......
p. 223

 

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T4- Joies et peines du crépuscule

 

 

Au crépuscule de sa vie, Maurice a la joie de devenir à nouveau père. Dès lors, l’essentiel de son énergie sera consacrée à la protection et l’éducation de ce fils bien-aimé, Jésus, que lui a donné son épouse d’origine Béninoise, Onésatou. Il n’en oublie pas pour autant ses activités musicales, créant l’association « Plumes et croches », organisant le festival « Poèmélodies » et donnant même des cours de dessin. Hélas, la vie conjugale avec sa jeune épouse secrète et frivole va commencer à lui peser. Comme celle-ci ne trouvera pas de travail sur place elle rejoindra sa fille installée à la frontière suisse où elle trouvera un emploi. Partagé entre son pôle aquitain et celui de son épouse, il va aller et venir jusqu’à ce que des problèmes de santé viennent l’assaillir.

C’est alors qu’il retrouve son fils aîné, perdu de vue depuis 17 ans. Vont-ils pouvoir renouer des liens durables ?

 

EXTRAIT

Osénatou-Georgette voulait absolument faire baptiser Jésus et réunir à cette occasion  toute la famille et nos amis. Une fois de plus nous n’étions pas d'accord. Je n'avais pas appelé mon fils Jésus parce que j'avais la foi mais, au contraire, parce que, pour moi, Jésus était le premier libertaire ayant parlé d'amour et de fraternité. Je suis athée dans le sens où je n'ai pas d'estime pour les religions, à cause des millions de morts qu'elles ont engendrés et continuent d'engendrer de nos jours. La religion catholique s'est admirablement implantée en Afrique subsaharienne. Dans la zone sahélienne, l'islam et la chrétienté ne font pas toujours bon ménage ; par contre dans les zones tropicales forestières, les catholiques côtoient allégrement les animistes et les prophètes de tout poil.

 

Toute la famille du côté de Osénatou insistait pour que l'on fasse baptiser Jésus de la même façon qu'ils l'avaient été eux-mêmes. Même Falonne s'en mêlait. Elle avait fait sa communion solennelle et avait été préalablement baptisée à Abidjan en grande cérémonie, en ma présence en 1998. J'avais beau leur donner l'exemple de Tania et de Maximilien qui n'avaient pas été baptisés pour qu'ils puissent eux-mêmes choisir un jour leur religion s'ils en avaient envie, rien n'y faisait. Il a bien fallu que je cède à leurs suppliques, surtout qu'ils me faisaient tous remarquer que j'avais été moi-même baptisé. C'était un peu comme le mariage dont je n'étais pas partisan mais auquel je me suis résigné par deux fois pour répondre aux exigences sociales.

Le baptême fut célébré par le père Antoine, le samedi 4 août, en l'église Saint Benoît de Laroque-Timbaut.

Philippe LHOMMET

La Fontaine n'a pas tout dit !

Un regard ironique sur les fables

La Fontaine est surtout connu de nos jours pour ses fables. On en trouvera ici 46, ironiquement commentées par un admirateur qui joue à s’offusquer des invraisemblances de certaines, de leur incohérence voire de l’ignorance d’un auteur qui fut pourtant « maître des eaux et forêts ».
    Les commentaires qui sont souvent l’occasion de jouer avec les mots font parfois penser à Stéphane de Groodt ou même à Raymond Devos.
    L’éditeur a choisi de les accompagner de gravures anciennes .
    Ce livre est donc une amusante occasion de lire ou de relire des fables qui n’ont guère perdu de leur actualité, en se disant, à la lecture des textes qui les accompagnent, que La Fontaine n’a peut-être pas tout dit !

Jean-François CHALOT & alii

Confinés !

Chronique du grand confinement de 2020

La pandémie du Covid 19 a conduit moitié de l'humanité à être longuement confinée. En France, comme ailleurs, se sont côtoyés le meilleur et le pire.

 

 Elle a donné lieu à une prise de conscience massive des carences institutionnelles. Viendra le temps de la colère et de la mobilisation pour bâtir une nouvelle société.

 

Ce livre collectif, rend compte de la manière dont les contributeurs ont vécu ce moment, faisant part de leurs réflexions et de leur vision de l’avenir. On y trouve des textes de C.Nabum et des dessins de Nagy. Ainsi que des comptes-rendus d’actions sociales rendues d’autant plus nécessaires que le confinement mettait d’abord en péril les plus défavorisés de nos concitoyens.

 

Maurice LEULLIEUX

Harmonie

Conte philosophique

Au soir de sa vie, Maurice est transporté dans l'espace à la vitesse de la lumière. Au cœur d'autres galaxies, il vit des expériences oniriques qui vont le conduire vers de surprenants confins.

Extrait

De quoi suis-je donc encore en quête à quatre-vingt ans ? D'une présence humaine, d'un beau chant d'adieu, d'un monde vierge comme au premier jour, d'un vol d'oiseaux où pouvoir m'accrocher ou d'une grande lumière m'aveuglant à jamais ? Je me souviens de peu de choses. J'avance entre des chuchotements qui troublent l'air et je me dis que si je vois des animaux c'est qu'il y a aussi des humains. Mais suis-je encore vraiment sur terre ou sur une planète qui vient de naître ? Un frisson parcourt mon échine. Serais-je le dernier homme vivant dans l'univers, condamné à errer dans un monde déshumanisé ? Je me pince le bras pour savoir si j'existe vraiment, si je ne suis pas en train de rêver un de mes songes du petit matin. Je sens tout à coup l'angoisse de la mort qui m'étreint, c'est bien parce que je suis vivant. Pourquoi chercher à rencontrer quelqu'un puisqu'on est toujours seul.

 

 

Je ne sais pas combien de temps j'ai rampé sans me lasser mais je sais que je suis maintenant dans les bras de ma mère. J'accomplis un sommeil réparateur dans le creux de sa gorge chaude. Elle chante à voix basse une chanson mélancolique et tendre. Elle me berce doucement. C'est tellement bon de dormir en sachant que l'on dort vraiment, que ce n'est pas un rêve, que c'est peut-être pour l'éternité et qu'il serait plaisant de ne pas se réveiller. Mais c'est impossible car tout se termine un jour pour recommencer et ce cycle est sans début, sans fin. Je crois me trouver dans ce doux sommeil mais je suis peut-être ailleurs, qu'en sais-je vraiment ?

 

Jean J. MOUROT

Algérie 1957-1959

La République nous avait appelés

Témoignage

 

L’auteur a fait partie de ces milliers de jeunes Français que la République – la 4° puis la 5° –envoya défendre la France... en Algérie !
   Ayant eu la chance de ne pas être affecté dans une unité d’intervention, il n’a pas été confronté à l’aspect le plus discutable du rôle de l’Armée dans le « maintien de l’ordre» que les gouvernements lui ont délégué.
   Après 9 mois de formation sur place et 8 mois comme formateur en Allemagne, il a participé aux dernières actions de «Pacification», en tant que responsable d’un village de regroupement. Mais les avancées du Plan de Constantine venaient malheureusement trop tard pour empêcher le pays d’accéder à l’indépendance.
Cinq mois plus tard, l’auteur a été muté à la frontière du Maroc dans un fortin de béton occupé par une trentaine de soldats, essentiellement recrutés en Afrique noire, avec pour seule consigne : « On ne passe pas ». C’est ainsi que les armées algériennes des frontières attendront le cessez-le-feu l’arme au pied pour prendre la place des maquisards de l’intérieur à la direction du pays, une fois acquis le retrait des forces françaises pourtant victorieuses sur le terrain.
C’est son expérience multiforme qu’il relate dans ce livre par le texte et l’image.

Extrait

Ce soir-là, intronisé auprès de la population du village et débarrassé de mon mentor, je me sentais enfin chez moi. Plein de bonne volonté pour ma nouvelle tâche qui me convenait d’autant mieux qu’elle n’était pas exclusivement militaire – Philippe n’avait pas eu cette chance, qui se retrouva dans une unité opérationnelle dans les Aurès –, j’étais prêt à m’endor-mir rapidement sur mon nouveau lit de camp au matelas de laine – un privilège d’officier, les autres devant se contenter de paillasses ! Nous dûmes cependant exceptionnellement retarder le moment de nous coucher : les chiens de Bou Arfa s’étaient mis plusieurs fois à aboyer et ceux du poste à leur répondre. Un chacal rôdait-il dans les parages ? Comme ils insistaient, nous rejoignîmes à plusieurs reprises les sentinelles dans leur blockhaus. Mais la nuit était trop sombre pour que nous fussions en mesure de distinguer quoi que ce soit au-delà de la ceinture de barbelés qui entourait le poste. Le pinceau lumineux de nos lampes-torches n’éclaira faiblement que salades, pois chiches et pieds de courgettes. Vers 23 h, nous allions nous mettre au lit quand éclata la pétarade. Ce n’était pas un feu d’artifice. J’avais connu cela à Cherchell, de loin. Ici, c’était directement sur nous qu’on tirait. Tagada, pan-pan ! Pendant quelques minutes qui me parurent interminables, ce fut un festival de tirs d’armes automatiques, de coups de fusils et de jets de grenades pendant que nos hommes, brutalement tirés du premier sommeil, se préparaient à riposter. Ignorant où l’on était exposé et où on était à l’abri, je me retrouvai assis par terre dans la salle de quart, le téléphone à côté de moi, appelant désespérément à l’aide le PC du bataillon. « – Ne vous affolez pas, on arrive. » Une demi-heure plus tard, en effet, se pointait l’EBR du 2/22 avec, le casque de tankiste sur la tête, le sous-lieutenant Br. en Zorro des temps modernes. Cela faisait longtemps que tout était fini. Après quatre à cinq minutes de répit, nos assaillants avaient encore lâché quelques rafales avant de détaler silencieusement et de disparaître dans la nuit.

 

Sept mois plus tard, j’appris incidemment à la SAS de Marnia à quoi nous avions échappés cette nuit-là. Un « rallié » avait mangé le morceau. Nos agresseurs n’étaient pas cinq ou six, comme nous l’avions pensé, mais une trentaine – alors que nous n’étions qu’une vingtaine dans le poste. Commandés par un capitaine, avec la complicité d’un de nos « goumiers » (je ne sus jamais lequel), ils devaient nous surprendre dans notre premier sommeil, nous liquider tous et s’en aller en emportant nos armes et nos munitions. Les aboiements des chiens, nos rondes répétées, la lueur inquisitrice de nos lampes les avaient amenés à penser que leur projet était éventé et que nous les attendions de pied ferme. C’est pourquoi ils s’étaient contentés d’un baroud d’honneur avant de décrocher.

 

Mais pour lors nous ignorions tout cela. Le harcèlement n’avait blessé personne et fait aucun dégât : tout juste quelques impacts de balles dans les murs, deux carreaux cassés, une grenade non explosée dans la cour et d’autres au-delà du poste [1], que nous fîmes sauter dans le jardin. On nous assura que ce n’était qu’un incident bénin, le seul depuis un an, et que nous n’avions rien à craindre : la région était définitivement pacifiée. J’étais loin d’en être convaincu et dès le lendemain, j’entrepris d’améliorer la défense du poste. Je doublai le réseau de barbelés. Je renforçai la chicane contrôlant l’accès aux arrières ombragés de l’école. J’installai des mines éclairantes. Le PC me refusant les sacs de sable que je réclamais, ce fut le collègue d’un poste voisin qui me les fournit. Mais il ne fallait pas donner l’impression de se barricader. Pas question d’abat-tre des arbres, par exemple, pour dégager un plan de tir… Cela n’empêcha cependant pas mes supérieurs d’organiser ce qu’on appelait « l’autodéfense » du village. Quelques hommes, auxquels on confiait de vieux fusils Lebel de la guerre de 14 et quelques cartouches, percevaient 400 Frs par jour (2000 Frs par mois [2]) pour monter la garde au-dessus d’un silo à grain dressé à l’opposé du poste où ils s’enfermaient pour la nuit. Prudents, ils ne virent jamais rien, n’empêchèrent jamais rien et rendirent scrupuleusement chaque matin armes et munitions. Un jour, des chiens pisteurs conduisirent jusqu’à ce silo une patrouille à la recherche d’un fellagha repéré près de la frontière. Mais nul n’avait rien vu, rien entendu et l’on dut conclure que les chiens avaient manqué de flair et s’étaient tout bonnement fourvoyés… [3]

 



[1] / Elles auraient pu faire du mal si les lanceurs avaient été plus compétents.

[2] / Des francs algériens différents des (anciens) francs français, avec lesquels ils avaient toutefois la parité.

[3] / La rémunération des « guetteurs » était l’objet d’une magouille. Seuls quelques-uns d’entre eux remplissaient les conditions pour être officiellement recrutés. On globalisait leurs soldes et l’on répartissait également la somme entre tous. Comme aucun ne savait lire ni écrire, il suffisait de leur faire apposer une croix au bas d’une feuille d’émargement dont ils ignoraient le libellé et le tour était joué. Le jour où je demandais à mes supérieurs un ordre écrit pour procéder à cette manipulation, je me fis vertement rembarrer par le capitaine G. et je n’obtins évidemment pas satisfaction mais on s’arrangea un peu plus tard pour que je n’aie plus à affronter ce genre de cas de conscience ...

 

André LABEUR

Décédé à l'été 2020

LA MINE DES CUIVRES

Conte philosophique

    On peut s’étonner du pluriel du titre. C’est que cette ancienne mine de bauxite abrite désormais des fantômes, des musiciens victimes de la barbarie nazie, et leurs instruments : des cuivres. Comment sont-ils arrivés là ? On le comprendra à la lecture de ce conte qui revisite de manière originale la période de l’Occupation nazie. C’est une histoire pleine de bruit et de fureur, de tendresse aussi. Où l'on se rendra compte que les monstres ne sont pas toujours ceux que l'on croit !
     Ne pas rechercher de vraisemblance. Il faut se laisser guider comme un enfant dans les méandres d'un récit que l’auteur à tenu à lui-même illustrer...

Extrait

 

Il fallut une vingtaine de pas pour l’atteindre et là, Laure écarquilla les yeux : devant elle, jusqu’à présent dissimulé par une maigre végétation, s’ouvrait le cratère majestueux d’un vieux volcan, certainement éteint depuis quelques millénaires. Tout au fond, devant des montagnes de scories rougeâtres, sinuait un chemin

largement praticable sur lequel s’avancèrent bientôt une douzaine de silhouettes agitant leurs bras en signe de bienvenue.

Le geai passa au-dessus de la tête de Laure et plongea toutes ailes tendues vers le fond du cratère. Les bipèdes empruntèrent pour le suivre un sentier caillouteux, pentu comme une gorge d’ivrogne, qui les mena jusqu’au chemin où se pressait déjà une douzaine d’ogres et ogresses : ils avaient tous les yeux de leur père !

Spontanément tous mirent leur index devant la bouche en voyant Laure s’avancer vers eux. La consigne était claire : ici, bouche cousue, point de communication verbale. Regards, mimiques et gestes devaient suffire. Pourtant lorsque Laure, malgré elle, dit « bonjour ! », leurs yeux s’écarquillèrent et elle crut même entendre venant de l’arrière de la troupe un bonjour discret.

 

Jean-François Chalot

L'HÉBERGEMENT D'URGENCE

en question

Témoignages et réflexions

La vie dans la rue ne découle pratiquement jamais d’un choix délibéré. Quand une succession de déboires dont ils ne sont pas toujours responsables  conduit un individu ou une famille à se voir expulser de leur domicile, ceux-ci n’auraient plus qu’à se laisser sombrer dans le désespoir sans l’aide de quelques personnes de bonne volonté. Jean-François Chalot est de ceux-là. Au sein des associations où il milite, avec d’autres bénévoles, il intervient, conseille et tente d’éviter le pire à ceux qui se retrouvent soudainement sans abri. Les militants du CNAFAL notamment, aiguillonnent les services publics pour que soit au moins appliquée la loi qui les protège et pour trouver des solutions à leurs problèmes, l’hébergement d’urgence étant loin de toujours tenir toutes ses promesses. C’est sur ce sujet douloureux que les auteurs de ce livre tentent de faire le point.

 

Philippe GENESTE

CONTRE L'ÉCOLE DU TRI SOCIAL

POUR UNE ÉDUCATION COMMUNE POLYVALENTE ET POLYTECHNIQUE

Affronter les cohérences institutionnelles et patronales

sur la formation

L’émancipation sociale a partie liée avec l’émancipation éducative. Elle nécessite de fonder une critique syndicale de la formation initiale  s’appuyant sur l’analyse de la formation professionnelle et continue. Les cohérences institutionnelles actuelles pointent la centralité de la formation et de l’enseignement professionnels pour une compréhension lucide des transformations en cours du système éducatif .
L’ouvrage démontre la filiation patronale de l’éducation par l’analyse critique des piliers de l’école contemporaine : la psychologie des aptitudes, les compétences, l’évaluation et l’orientation. Il expose ce qu’un syndicalisme déconnecté des intérêts catégoriels pourrait apporter à un projet d’émancipation.

En vente sur le site de TBE ou chez l'auteur

5 Impasse L. David 33740 ARES

Jean-François CHALOT

Contre l'exclusion sociale

AGIR ICI ET MAINTENANT

Témoignages et réflexions

Jean-François Chalot parle volontiers mais il préfère agir. Après quelque 50 années de militantisme politique et syndical, il est bien obligé de constater que la révolution à laquelle il aspirait et à l’avènement de laquelle il œuvrait n’a jamais été au rendez-vous de l’Histoire. Plutôt que de se lamenter et de baisser les bras, il s’est reconverti dans l’action de proximité au service des plus démunis qui ne manquent pas dans son secteur géographique, l’agglomération de Melun.

 

Dans ce petit livre, il témoigne d’un certain nombre de ces combats obscurs mais tellement indispensables qu’il a menés pour empêcher ici une expulsion, reloger là un homme qui dort dans la rue, assister encore une personne pratiquement abandonnée par ses organismes de tutelle... Et tout cela sans prosélytisme politique, religieux ou philosophique et sans rien attendre en retour sinon la satisfaction du devoir accompli.

 

Ses modèles, il les a trouvés dans sa famille, chez son père, secrétaire de mairie, syndicaliste et militant socialiste, ainsi que chez ses oncles communistes dévoués à la classe ouvrière. Tous lui ont seriné que si l’on voulait agir pour les autres et particulièrement pour les plus démunis, c’était ici et maintenant, dans l’action de proximité.

 

Arrivé à près de 70 ans, il veut continuer à agir mais il espère pouvoir passer le flambeau à une génération montante, se refusant à croire que l’individualisme a gagné et qu’il n’y a plus personne pour faire vivre les associations de soutien aux démunis.

 

 

 

Claude MITRANI-ECHAUBARD

RACHEL SALMONA

Convoi 47

Rien ne destinait la petite Rachel à donner son nom au collège de sa ville sinon le destin tragique qui fut le sien. Arrêtée en pleine classe par le gendarmerie française, elle a fini avec sa famille juive dans les crématoires d’Auschwitz. C’est sa tragique odyssée et celle de sa famille que sa cousine Claude raconte ici, à la suite d’une minutieuse enquête, dans un petit livre illustré de nombreux documents authentiques retrouvés dans les archives nationales et départementales.

 

En vente chez l'auteur

286 Chemin des froidures

76110 GONFREVILLE CAILLOT

02 35 2790 94

Jean-François CHALOT

L'ABOMINATION

des expulsions locatives

Témoignages et réflexions

Préface de Colette Lech

Préambule

 

Le titre de ce petit livre peut faire croire que j’exagère. Et pourtant ! Les expulsions locatives constituent une véritable abomination pour les familles perdant bien souvent leurs repères, apeurées voire désespérées, certaines personnes étant prêtes à s’en sortir radicalement. Un cadre départemental de la Direction Départementale de la Cohésion Sociale que j'ai eu au bout du fil a voulu un jour me rassurer en m'affirmant que ceux qui menaçaient de mettre fin à leurs jours ne se suicidaient pas !

 

Je ne veux pas en prendre le risque; je ne fais pas de paris, préférant agir et empêcher une catastrophe avec mes faibles moyens. Il m'est arrivé de ne pas dormir, de craindre le pire, de garder mon téléphone ouvert, même durant les vacances...

 

Ce livre n'a pu voir le jour que grâce à l'apport de témoignages de la part d'acteurs sociaux. Merci à Jean-Marie Bonnemayre, à Dominique Corbel, à tous les autres. Merci aussi au dessinateur Nagy qui nous livre comme d'habitude d'excellents dessins aussi explicites, voire plus que des écrits. Et pour finir, un grand merci à mon « éditeur », Jean Mourot, fidèle re-lecteur, metteur en pages et auteur de la maquette.

 

J.F. Chalot n

 

Jean J. MOUROT

92 Rue Saint-Julien

1951-1955

Quatre années à l'école normale d'instituteurs de Rouen

   Au milieu du 20ème siècle, il y avait deux façons de devenir instituteur ou institutrices : Se faire embaucher comme suppléant(e) (remplacement courts) ou remplaçant(e)(remplacements plus longs), ou bien réussir le concours d’entrée à l’École normale primaire, en fin de troisième ou après le baccalauréat. Les premier(e)s étaient astreints à suivre des cours le jeudi, à rédiger chez eux des dissertations, et à attendre quatre années avant de pouvoir être titularisé(e)s. Les seconds, le plus souvent logés en internat, devaient suivre les cours donnés par des professeurs plus ou moins spécialisés et progressivement se faire la main au cours de stages dans des écoles primaires ou maternelles.

    L’auteur a fait partie de la seconde catégorie. Entré et sorti à la tête de sa promotion, il a connu un parcours un peu atypique puisque, entré en fin de seconde, il a passé deux années en classe de Formation professionnelle, comme ceux qui étaient entrés après le bac.
   Ces quatre années dans ce séminaire laïque ont été, pour lui, celles de la maturation et des mutations, au cours desquelles il est passé de l’état d’adolescent à celui d’homme avec une sensibilisation particulière aux activités sociales qui l’a conduit à faire du théâtre et à militer au sein du mouvement Peuple et Culture.    

   C’est cette expérience singulière mais semblables à tant d’autres qu’il fait revivre ici et dont le récit se lit comme un roman.

Extrait

 

  Monsieur Périnelle, dans la classe duquel j’étais affecté, avait en charge les cours moyens et de fin d’études, sa femme, les petits du cours préparatoire et des cours élémentaires. Pour m’adapter au terrain, j’avais dû réviser bon nombre de mes convictions pédagogiques acquises à Rouen. Pas question de vouloir mieux faire que les auteurs de manuels. Il avait tout juste fallu simplifier pour se mettre à la portée d’enfants assez frustes qui, pour la plupart, ne parlaient ni ne comprenaient parfaitement le français [1] .  

    Éviter le verbalisme mais rabâcher quelques notions simples à faire entrer de force dans des crânes hermétiques. Dans ce genre de classe, j’avais constaté qu’on ne pouvait se payer le luxe de préparations détaillées sur fiche pour chaque leçon. Il fallait jongler avec les quatre niveaux – regroupés en deux cours – qui ne devaient jamais rester inactifs. Tenir la classe relevait de l’exploit et j’avais dû hausser le ton pour me faire respecter et écouter. J’étais trop souriant, trop compréhensif, trop proches d’eux, si bien que les élèves avaient tendance à me considérer comme un copain et à me tutoyer. « L’monsieur, avait déclaré l’un d’eux, il est pas embêtant. Nous on rit, mais on sait pas pourquoi. L’monsieur il est bien gentil. » Et un autre m’avait demandé: « M’sieur, quand vous serez mait’ d’école, vous donnerez-t-y des verbes ou des lignes ? Donnez plutôt des verbes ; les lignes c’est embêtant ». En fait, je donnais des avertissements. Au bout de trois, on avait une punition, ligne ou verbe ou les deux...

   Cette pédagogie rustique n’empêchait pas des activités qu’on dirait plus tard « d’éveil ». M. et Mme Périnelle préparaient des fêtes pour Noël et pour la fin d’année. Cela donnait l’occasion d’apprendre des chants et de faire du travail manuel. Il me fut donné une fois d’assister à une séance d’éducation physique peu orthodoxe, en musique et sans intervention directe du maître. Un élève choisi pour moniteur était placé au centre d’un cercle de ses camarades. Un électrophone placé dans un coin diffusait un cours de gymnastique sur fond musical enregistré sur disque par Robert Raynaud, qui officiait habituellement à la radio nationale où il était responsable, si je ne m’abuse, d’un quotidien « réveil musculaire ». Le moniteur suivait les instructions du professeur, les élèves l’imitaient et le maître n’avait qu’à corriger les attitudes. On avait là, dans la plus pure tradition platonicienne, une éducation physique et musicale dans le même temps. Les filles étaient plus sensibles au rythme que les garçons. Plus souples, plus détendues, plus appliquées, elles étaient aussi plus gracieuses. Les garçons n’étaient pour la plupart que des lourdauds mal dégrossis. Le zèle de l’un d’eux fut d’ailleurs la cause de la détérioration d’un des deux haut-parleurs en service. Au moment de la mise en place du matériel, il s’était précipité et avait branché le dit haut-parleur sur le secteur au lieu de le brancher sur l’électrophone. L’instituteur était furieux, l’élève confus, les enfants simulaient la consternation et moi, j’avais dû me retenir pour ne pas rire.



[1]/  Ils avaient d’autres connaissances, acquises au contact de la nature et de la vie agricole. Ils devaient être notamment au courant des modalités de la reproduction animale. Pour ma part, j’avais eu l’occasion, en arrivant un matin, d’admirer dans une prairie proche de l’école, un énorme verrat faisant la pause sur le dos de sa truie, son affaire terminée, les yeux clos et la hure fendue d’un indicible sourire de félicité que je n’ai jamais oublié ! 

 

Philippe LHOMMET

C'étaient des Cauchois !

Extrait

Apparemment le fils n’a jamais dû entendre de réflexions à l’école. Pourtant les enfants peuvent se montrer très moqueurs et méchants entre eux. Personne ne s’est avisé non plus de prévenir le cocu. La dénonciation semble étrangère aux mœurs des habitants. Au moment de la Libération, à la fin de la deuxième guerre mondiale, plusieurs femmes du village tremblèrent à la suite de leur collaboration très étroite avec des membres de l’armée allemande d’occupation. Contrairement à leurs semblables des autres communes, pas de mise au ban de la société, pas de crâne rasé, rien. A chacun de laver son linge sale en famille.

La relation s’éternise. Qu’est devenu le Stéphane séducteur, le Stéphane papillonnant d’une femme à une autre ?

– Il faut que tu divorces pour que l’on se marie.

– Il n’en est pas question.

– Et pourquoi ?

– Je ne peux pas faire ça à mon mari.

– Je mettrai le temps qu’il faudra, mais j’arriverai à te convaincre.

Il n’en a pas le temps. Elle tombe malade. Hospitalisée, il lui rend des visites quotidiennes lorsqu’il ne risque pas de mauvaises rencontres. Elle rentre chez elle. Elle est condamnée. Une leucémie foudroyante. Elle le sait. Elle l’en avertit. Il veut venir auprès d’elle ; irréalisable, sa famille la garde en permanence. Même se téléphoner devient impossible, la pauvre ne pouvant plus échapper à la surveillance de son entourage. De toutes manières, elle n’en a plus la force.

A son enterrement, Stéphane arrivé un des premiers, s’assoit dans un banc derrière  la famille. Vêtu en grand deuil, il ne passe pas inaperçu, chaussures noires, pantalons noirs, grands manteaux noirs, cravate noire sur chemise blanche, chapeau noir posé sur le banc. Lui que personne n’a jamais vu à l’église reste agenouillé pendant tout l’office. Prostré, il ne participe pas à la cérémonie  des condoléances. Il est la cible de tous les regards de ceux qui défilent pour aller bénir le cercueil. Sa présence, ses vêtements, son attitude interpellent. Pour tous les présents, la même condamnation : incompréhensible ! choquant ! honteux !

   Quand le cercueil traverse l’église suivi par la famille, les mains agrippées au dossier du banc de devant, il s’est redressé, défiguré, le visage ruisselant de larmes.

En retrait, il suit le cortège. Au cimetière, à l’écart, il attend le départ de tout le monde  pour  s’agenouiller et se recueillir longuement sur la tombe de sa dernière conquête.

– Qui est-ce ? demande la famille au veuf.

– Je ne sais pas. 

Les yeux embués de larmes, il ajoute dans un murmure :

– Ils devaient bien se connaître …  

Alain THONNAT

La guerre, c'est drôle

quand on est petit !

Témoignage

Instituteur, fils d’instituteurs, Alain Thonnat n’a jamais quitté sa Haute-Loire natale que pour des déplacements épisodiques. Il y exercé toute sa carrière, y a milité, après son père, comme syndicaliste au sein de l’ancienne fédération de l’Éducation nationale.
 Sans donner dans l’esbroufe du modernisme tapageur il s’est toujours attaché à armer ses élèves, souvent de condition modeste, en leur faisant acquérir un savoir utile dans la vie sans pour autant se prendre pour un gaveur d’oie. Avec son épouse institutrice, il a su combiner utilement enseignement magistral et méthodes actives,sans sacrifier les activités artistiques, étant lui-même musicien.
Il vit aujourd’hui retiré sur les hauteurs  de Brioude, à l’ombre du château de Paulhac.


Alain Thonnat a eu 5 ans en 1940. Dans ce livre, il témoigne en 19 courts chapitres de ce que fut son enfance partagée avec son frère jumeau et sa jeune sœur dans les villages autour du Puy-en-Velay où ses parents instituteurs ont été successivement nommés. C’est un témoignage à la fois historique et sociologique sur la première moitié des années 40 vécues à hauteur d’enfant. C’est aussi une suite d’épisodes souvent cocasses de la vie d’une famille auvergnate perchée sur un plateau, à  plus de 1000 m d’altitude, où l’électricité déficiente avait remis à l’honneur les veillées d’autrefois, quand on ne pouvait pas écouter secrètement Radio Londres à la TSF. L’auteur rapporte à cette occasion quelques vieilles histoires de loup contées par le père relayant le grand-père.
On manquait un peu de tout, mais la guerre restait bien théorique et constituait avant tout une occasion de vivre autrement. Si bien qu’en fin de compte elle était plutôt drôle pour de jeunes enfants !